Des blessures, des larmes et des doutes : la formation d’Ugo Humbert dans ses jeunes années n’a pas toujours été linéaire. Mais deux rencontres, avec Patrick Labazuy puis Rodolphe Gilbert, auront été déterminantes pour lui… Qui aurait pu aussi tout lâcher.
Ugo, quand vous avez lancé votre parcours à la Fédération française, il y a eu beaucoup de blessures à gérer. Comment avez-vous traversé ces moments-là ?
« Quand je suis arrivé à Poitiers, à 12 ans, je me suis blessé dès la première semaine. C’était beaucoup de changements, j’étais loin de ma famille. Ce qui m’a fait tenir, c’est vraiment la musique.
C’était dur : les copains chambraient, disaient ‘’ah, lui, il est pianiste’’, je l’ai mal vécu. Mais j’aimais tellement le tennis que je n’ai pas lâché. J’ai eu la chance de rencontrer Patrick Labazuy, entraîneur à Poitiers. À la fin des quatre ans là-bas, il m’a dit qu’il m’avait gardé parce que j’étais passionné, qu’il était persuadé que j’allais y arriver. »
« J’ai complètement changé mon état d’esprit »
L’histoire aurait pu s’écrire autrement ?
« Oui, car c’était sa décision. J’aurais pu rentrer chez moi et ça aurait peut-être été différent. J’en garde des bons souvenirs parce que je me suis fait de super amis là-bas, on a fait des conneries (rires) et j’ai aussi progressé. Ça m’a fait du bien aussi d’être plus autonome. »
A quel moment avez-vous senti que vous pouviez devenir joueur de tennis professionnel ?
« Je suis parti à l’Insep à 16 ans. J’ai fait deux ans là-bas, j’ai continué comme ça. Je devais passer mon bac et je n’y arrivais pas du tout. Au bac blanc, je n’allais même pas au rattrapage (rires).
Ça m’avait tellement stressé et j’avais des œdèmes partout dans le poignet, les médecins ne savaient pas ce que c’était. J’ai eu mon bac et, une semaine après, je n’avais plus rien au poignet. »
« Quand il m’a dit que je pouvais être monstrueux… »
Ça vous a libéré ?
« Oui, je n’ai pu penser qu’au tennis. Je n’étais pas le meilleur. J’ai eu des entraîneurs qui, au début, ne voulaient pas trop m’entraîner. Du coup, je faisais mes séances physiques tout seul (rires).
Mais Rodolphe Gilbert m’a fait du bien. Il faisait quelques semaines avec moi. Quand j’ai joué les qualifications de Roland-Garros, je me tends et au bout de trente minutes, je crampe.
Je ne peux plus bouger et je perds en trois sets. Et là, je me suis dit : ‘’si c’est pour être aussi stressé que ça alors que tu viens de jouer le tournoi que tous les Français rêvent de jouer, c’est mieux de faire des études et d’arrêter.’’
Donc j’ai complètement changé mon état d’esprit. C’était en 2018. Et Rodolphe, c’est la première personne de toutes mes années de formation à m’avoir dit : ‘’tu sais Ugo, je ne sais pas si tu t’en rends compte, mais tu peux devenir très fort.’’ »
Vous, vous n’y croyiez pas à l’époque ?
« Non, personne ne m’avait jamais dit ça. On me disait que j’étais à des années-lumière.
Dès que je gagnais, c’était grâce à mes entraîneurs.
Dès que je perdais, c’était à cause de moi. Des fois, je travaillais sans y croire. Et on ne peut pas se projeter aussi loin. Mais quand il m’a dit que je pouvais être monstrueux, j’ai pensé qu’il avait peut-être raison et à partir de là, je suis monté dans le Top 100 mondial six mois après. »
« J’ai envie de voir les choses différemment »
C’est la dure loi du sport de haut niveau. S’il pouvait savourer quelques jours de repos après un Rolex Paris Masters conclu en finale contre l’Allemand Alexander Zverev, Ugo Humbert a déjà un œil sur 2025… Qui va très vite débuter pour lui.
« J’ai quatre semaines de préparation », détaille-t-il. « Je fais une semaine et demie où je vais beaucoup axer sur le physique.
Après, je vais à Londres pour jouer l’UTS, puis je vais à Caen faire un autre tournoi exhibition. Et puis je finis encore avec dix jours d’entraînement avant de repartir en Australie le 21 ou le 22 décembre car je joue l’United Cup le 28 décembre. »
Désormais quatorzième joueur mondial, il compte bien, la saison prochaine, éviter l’écueil dans lequel il est tombé à un moment en 2024 : « Je m’étais fixé l’objectif d’être dans le Top 10 mondial et de finir au Masters, mais je me suis vraiment cramé, ça m’a puisé mentalement.
Ça m’a frustré parce que je me disais qu’il fallait que je joue absolument parce que j’avais bien commencé l’année. J’arrivais sur les tournois pas forcément bien préparé et j’étais nerveux, donc, au final, ça a été un peu compliqué. »
Plus détendu en Asie, où il est allé jusqu’en finale du tournoi de Tokyo avant de revenir en Europe briller à Bercy, il a vraiment « envie de voir différemment », « en se donnant à fond, tout simplement. »
Et se détacher, un peu, de ces résultats qui obsèdent parfois les joueurs de son niveau : « C’est tellement dur car on est tout le temps pris par la course aux points, il y a des tournois toutes les semaines. J’ai envie de passer un cap physiquement et dans mon jeu aussi.
Depuis deux ans et demi, on a bien fait les choses avec Jérémy (Chardy), mais je pense qu’il y a encore des petites améliorations qu’on peut apporter. »
Ugo Humbert. Photo Miguel Antunes